
NOURRIR L'AMOUR CONJUGAL
de Shaykh
Salman al-`Awdah
Il gravit les
marches avec tant d’énergie qu’il me fut difficile de
croire que cet homme avait plus de quatre-vingt ans; il
possédait en effet une vitalité de jeune homme. Puis
j’en appris la raison.
Bien qu’il se fût marié en 1947, au moment où il
abordait la trentaine, il m’avoua : « Je ne me rappelle
pas m’être jamais fâché contre ma femme, pas même une
seule fois. Et de son côté, elle ne s’est jamais fâchée
contre moi et je ne l’ai jamais irritée. Et s’il
m’arrivait de souffrir d’un mal de tête, il lui était
impossible de dormir avant que je ne me fusse moi-même
endormi. »
Puis il
ajouta, avec émotion : « Je ne peux m’imaginer aller
quelque part, même faire mes courses, sans qu’elle ne
m’accompagne et que je ne la prenne par la main. C’est
comme si nous étions de jeunes mariés. »
Lorsque, à cause d’un problème de santé, il devint
impossible à sa femme de procréer, il lui dit : « Tu
m’es de toute façon beaucoup plus précieuse que des
enfants. »
Il me dit : « Tant qu’elle marchera sur cette terre, je
ne pourrai jamais m’imaginer épousant une autre femme. »
Cet homme est un remarquable exemple de dévotion, d’un
sentiment unique qui perdure au fil des ans.
Malheureusement, lorsque nous considérons la relation
que vivent la majorité des couples de tous âges, nous
nous rendons compte que la relation de cet homme est une
véritable rareté, et même une sorte d’idéal.
Bien entendu, nous ne sommes pas tenus d’atteindre un
tel idéal. Et nous ne devrions pas attendre de notre
tendre moitié qu’il/elle soit comme cet homme et cette
femme alors que nous avons nous-mêmes tant de défauts.
Le mariage
est une union fondée sur l’amour et l’affection. Allah
dit, dans le Coran : « Et parmi Ses signes,
Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous
viviez en tranquillité avec elles. Et Il a mis entre
vous de l’affection et de la bonté. »
(30:21)
C’est
d’ailleurs pour cette raison que chaque sexe est attiré
par l’autre, comme si chaque personne était à la
recherche de son autre moitié.
Lorsque la femme du grand juriste Abou Rabi’ah décéda,
il l’enterra lui-même, de ses propres mains. Mais
lorsqu’il revint chez lui, il succomba à la douleur et,
les larmes aux yeux, se lamenta en s’adressant à son
Seigneur : « Maintenant… même ma maison est morte. Une
maison ne vit que pour la femme qui l’habite. »
L’amour
conjugal requiert de grands efforts de la part des deux
époux pour durer et demeurer vivant. Les difficultés de
l’amour conjugal ne résident pas dans les petits
désaccords quotidiens qui font partie de toute vie de
couple. En fait, ces petits problèmes revivifient
parfois la relation, comme les épices relèvent un
savoureux plat.
Le
véritable problème réside dans trois choses :
1.
L’incapacité d’une personne à comprendre l’autre. En
fait, il arrive même qu’une personne ait de la
difficulté à se comprendre elle-même.
2.
L’incapacité d’une personne à s’adapter au
mariage comme tel et à faire face aux changements qui en
découlent au niveau du mode de vie. Trop de gens
s’attendent à ce que leur vie demeure la même une fois
mariés.
3.
Le problème le plus répandu est l’absence d’engagement
par rapport à la relation, ainsi que l’absence du désir
profond de la faire durer.
C’est
pourquoi il est nécessaire que les gens comprennent
« les règles du jeu » lorsqu’il s’agit d’amour conjugal.
Dix façons d’atteindre à un amour durable :
Puisque l’amour conjugal est sujet à la maladie, et même
à la mort, il est impératif que les couples travaillent
en permanence à le revivifier et à le préserver.
Maris et femmes doivent
respecter les règles suivantes :
1.
Ils doivent prendre l’habitude de se dire des choses
positives, de se faire des compliments et de faire des
invocations en faveur de l’autre.
Un mari
peut dire à sa femme : « Si tout était à recommencer et
que je revenais en arrière, à mes jeunes années, je ne
choisirais pour femme nulle autre que toi. » Bien sûr,
sa femme peut également lui dire des choses similaires.
Les
paroles d’affection ont un effet certain sur une
personne, surtout sur les femmes. Ils ont d’ailleurs
été souvent utilisés comme armes par des hommes sans
scrupules cherchant à s’approprier une femme appartenant
à autrui.
Les douces
paroles gagnent le cœur des femmes. Un mari devrait
prendre l’habitude de parler à sa femme de façon
affectueuse avant que quelqu’un d’autre ne le fasse.
2. Mari et femme devraient prendre
l’habitude de faire ces petites choses qui, au fond,
représentent beaucoup. Si un homme rentre chez lui et
trouve sa femme endormie, il peut la couvrir et la
border dans son lit.
Un mari
peut prendre l’habitude d’appeler sa femme de son
travail juste pour dire bonjour et pour qu’elle sache
qu’il pense à elle.
Si une
femme trouve son mari assoupi, elle peut l’embrasser sur
le front, même si elle croit qu’il n’en aura pas
conscience. En fait, même s’il dort, ses sens restent
alertes jusqu’à un certain niveau et il peut
parfaitement être conscient de ce geste d’affection.
Le
Prophète (sallallahu ‘alayhi wa sallam) a souligné
l’importance de ces petits gestes : «… même le morceau
de nourriture que vous mettez dans la bouche de votre
femme. » (Sahih Boukhari et Sahih Mouslim)
En fait,
il se peut fort bien que le Prophète (sallallahu ‘alayhi
wa sallam) ait voulu faire allusion aux dépenses du mari
visant à combler les besoins de sa femme. Néanmoins, il
y a une raison pour laquelle il a choisi de l’exprimer
de cette façon. Ce qu’il est important de retenir,
c’est que c’était là la façon du Prophète (sallallahu
‘alayhi wa sallam) de se comporter avec sa famille.
Tous ces
petits gestes sont déterminés par les goûts et les
inclinations des personnes concernées. Cela peut
demander un peu de temps pour s’y habituer, mais au
fond, cela ne demande pas tant d’efforts.
Une
personne qui n’est pas habituée à ce genre de
comportement peut même se sentir gênée ne serait-ce que
d’en entendre parler; et elle peut préférer laisser les
choses telles qu’elles sont plutôt que de faire l’effort
de changer et d’appliquer des choses qu’elle juge
complètement ridicules.
Malgré
tout, nous devons être disposés à introduire de
nouvelles habitudes dans nos vies si nous ne voulons pas
que nos problèmes durent éternellement.
3. Mari et femme doivent se réserver
certains moments durant lesquels ils peuvent se parler
sans être interrompus. Ils peuvent parler du passé, se
rappeler des bons moments qu’ils ont vécus ensemble;
parler de ces moments les garde frais à la mémoire,
comme s’ils avaient été vécus la veille. Ils peuvent
aussi parler d’avenir, partager leurs espoirs et leurs
projets. Enfin, ils peuvent parler du présent, du bon
et du mauvais, et tenter de trouver des solutions pour
régler leurs problèmes.
4.
Garder un contact physique étroit est sain pour la
relation. Ces contacts ne devraient pas être restreints
aux moments intimes, mais être présents à tous moments,
comme lorsque le couple est assis au salon ou lorsqu’il
marche sur la rue. Et ce, même s’il existe encore des
hommes, dans notre société, qui ont honte d’être vus en
public avec leur femme à leurs côtés.
5.
Le soutien
émotif devrait toujours être présent lorsque l’un des
deux époux en ressent le besoin. Lorsque la femme est
enceinte ou dans sa période menstruelle, elle peut avoir
besoin d’un certain soutien moral de la part de son
mari, et ce dernier devrait prendre en considération
l’état dans lequel se trouve sa femme. Les experts
médicaux ont démontré que lorsque la femme subit une
grossesse, des menstruations, ou des saignements
post-partum, elle peut souffrir d’un stress
psychologique qui peut affecter de façon négative son
comportement. C’est dans des moments comme ceux-là que
la femme a besoin du soutien de son mari. Elle a besoin
de l’entendre dire à quel point elle compte pour lui et
à quel point il a besoin d’elle dans sa vie.
De même,
il peut arriver que le mari tombe malade ou qu’il soit
confronté à toutes sortes de difficultés. La femme doit
prendre ces choses en considération. Si les gens
veulent que leur relation dure, ils doivent faire sentir
à l’autre qu’ils sont toujours là pour le/la soutenir.
6. L’expression matérielle de l’amour
est aussi une bonne chose. Des cadeaux peuvent être
offerts, même en dehors des occasions spéciales; une
agréable surprise est toujours bienvenue. Un cadeau
approprié est un cadeau qui exprime les sentiments
d’affection de celui qui l’offre. Il n’est pas
nécessaire qu’il soit dispendieux, mais il doit
respecter les goûts et la personnalité de l’autre; il
sera ainsi longtemps chéri et précieusement gardé.
7.
Mari et femme doivent apprendre à être plus tolérants
l’un envers l’autre et à fermer les yeux sur les défauts
et les faiblesses de l’autre. Oublier les petites
erreurs de la vie courante et ne pas même les mentionner
devrait devenir une seconde nature. Le silence,
relativement à ces futilités, est un signe de noble
caractère.
Une fois,
une femme est venue dire à ‘Aisha (radhia Allahu anha) :
« Lorsque mon mari rentre à la maison, il devient comme
un chat. Lorsqu’il sort à l’extérieur, il ressemble à
un lion. Et il ne m’interroge pas sur ce que j’ai fait
de ses biens.» (Sahih Boukhari et Sahih Mouslim)
Ibn Hajar
explique ses paroles de cette façon :
« Elles
peuvent signifier qu’il est très généreux et tolérant.
Il ne fait pas tout un plat au sujet de ses biens ou de
son argent qu’il trouve utilisés par les membres de sa
famille. S’il rapporte des choses pour la maisonnée, il
ne s’enquiert pas, plus tard, de ce qu’elles sont
devenues. Il ne fait pas un drame des défauts des
membres de sa famille; il est plutôt indulgent et
tolérant. »
Il est
injuste de dramatiser les défauts des autres cependant
que de nous-mêmes, nous ne voyons que les qualités. Il
y a un dicton qui va comme suit : « L’un d’entre vous
voit la poussière dans les yeux de son frère tandis
qu’il oublie la saleté dans les siens. »
8. Mari et
femme doivent parvenir à une entente en ce qui concerne
leurs responsabilités et leurs soucis communs, comme
l’éducation des enfants, le travail, les voyages, les
dépenses et tous les problèmes qui peuvent constituer
une menace pour relation du couple s’ils ne sont pas
gérés de la bonne façon.
9. Mari et
femme ont besoin de faire des choses pour égayer leur
relation. Ils peuvent lire des livres ou écouter des
cassettes qui leur donneront des idées sur les façons de
revivifier leur vie conjugale et de l’enrichir. Ils
peuvent varier leurs habitudes lorsqu’il s’agit de
relaxer ensemble, de dîner, de décorer leur maison, et
dans leurs façons d’interagir, tant en public que dans
l’intimité. Ce sont là des choses qui gardent la
passion et l’intérêt en éveil dans une relation de
couple.
10. La
relation doit être protégée des influences négatives qui
peuvent l’affecter. L’une des pires qui soit est le
fait de comparer son époux/se aux autres. Beaucoup
d’hommes ont tendance à comparer leur femme à celles des
autres. Certains les comparent même avec celles qu’ils
voient dans les magazines ou à la télévision. Les
femmes aussi comparent leur mari avec ceux des autres,
surtout en matière de richesses, de beauté et sur la
fréquence avec laquelle ils font des activités
extérieures avec leur épouse. Toutes ces comparaisons
malsaines amènent les gens à se sentir mal et médiocres
et la relation peut s’en trouver rapidement affectée.
Si nous
tenons à nous comparer aux autres, nous devons le faire
avec ceux qui ont moins que nous. Le Messager d’Allah (sallallahu
‘alayhi wa sallam) a dit : « Regardez ceux qui sont
au-dessous de vous et non pas ceux qui sont au-dessus.
Cela est meilleur pour vous, afin que vous ne minimisiez
pas les bienfaits d’Allah. » (Sahih Boukhari et Sahih
Mouslim)
Il est grand
temps que nous apprenions à vivre dans la réalité et à
être satisfaits de ce qu’Allah a décrété pour nous.
Nous ne devons pas considérer avec envie ce qu’Allah a
donné aux autres. Même le peu que nous avons peut
signifier beaucoup si nous savons bien l’utiliser et en
tirer profit.
Il est
fort possible que plusieurs des personnes qui parlent de
leur bonheur conjugal et qui se vantent de leur mari ou
de leur femme ne disent pas tout à fait la vérité; ce
n’est que la vanité qui les fait parler.
L’herbe
nous semble souvent plus verte chez le voisin, mais
seulement parce que nous ne la regardons pas d’assez
près.

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